BASTIDA DELS CATARS
Visages du catharisme contemporain
Voici, pour ceux qui désirent approfondir les "différentes voix du catharisme intégral", la présentation de quelques personnalités passées et présentes ainsi que les liens vers leurs sites respectifs .Nous commencerons par le regretté Yves Maris dont je partage les magnifiques messages d'ouverture et de clôture de la première rencontre cathare à Roquefixade en 2009. Ensuite, nous trouverons les irréductibles Eric Delmas, Ruben Sartori et Gilles-Henri Tardy, ces sympathiques visages du catharisme actuel. Puis, parmi les anciens ceux qui ont donnés les impulsions à ce renouveau cathare en France. Nous y (re)découvrons René Nelli, Déodat Roché et Antonin Gadal.

Yves Maris ( 1950-2009) Photo "Chemins cathares"
Yves Maris - Ouverture (30 mai 2009)
Publié le 5 juin 2009 dans Réseaux cathares par Guilhem (Eric de Carcassonne)
Mesdames, Messieurs, Mes amis,
Nous, qui sommes ici, nous pourrons dire : « Nous y étions ! ». La Rencontre de la diversité
cathare n'est pas une sorte de colloque en vue de ressasser quelque document d'inquisition, c'est un
événement qui doit marquer le temps ! Nous ne sommes pas ici pour commémorer la funeste
marche de la croisade par des chants grégoriens, nous sommes là parce que le moment est venu de
relever la prophétie attribuée à Bélibaste : « Au bout de sept cents ans le laurier reverdit. » Toute
prophétie a sa part de légende. Celle-ci aurait été prononcée en 1309 par celui qui devait être l'un
des derniers bons hommes du Moyen Âge, à s'effacer sur un bûcher. Elle a parcouru les siècles
jusqu'à nous. C'est en la relevant que nous la faisons exister. C'est en la proclamant que nous lui
conférons sa vérité. Oui, du fond des âges, Bélibaste nous réunit aujourd'hui.
Nous voici rassemblés, avec des approches différentes de la pensée cathare, selon que notre
personnalité, nos empreintes, notre imaginaire, notre vocation nous appellent à privilégier la
connaissance, la contemplation, l'ascèse, le culte des mystères ou simplement l'histoire. Il
n'empêche que nous sommes venus pour faire valoir une même vision du monde, portée depuis
deux mille ans par une interprétation dualiste du drame de la croix.
Jésus incarnait le pur amour ; ceux qui l'ont trahi - et nous le trahissons encore -, ceux
qui l'ont condamné et exécuté - et nous le condamnons et l'exécutons encore -, incarnaient son
contraire. Instrument de supplice normalisé par les textes de loi, expression de la justice et du droit,
la croix dressée symbolise la nature humaine. Jésus crucifié, rejeté, abandonné, symbolise la nature
divine. Les règnes sont incompatibles.
Nous comprenons que l'avènement de Jésus est le fondement d'un idéal demeuré en friche.
Au commencement, il y a Jésus et le groupe des nazaréens. Ils cherchent à inaugurer le règne de
Dieu sur des bases opposées à la société commune, qui est toujours la nôtre. Leur philosophie est
simple et non-violente. Tout se résume à ce mot que l'apôtre Paul devait mettre en évidence :
l'amour. Un concept dont il faut toute une vie, et peut-être d'autres encore, pour pénétrer le sens.
S'il y a un mystère que nous devons découvrir, vers lequel nous devons tendre notre esprit, il se
trouve dans la gnose de l'amour. Une connaissance paradoxale qui n'est véritable que si la pratique
ou la conduite témoigne de sa vérité.
Souvenons-nous de la magnifique invective de Paul aux Corinthiens. Elle constitue une mise
en garde qui s'adresse à une assemblée comme la nôtre, peut-être même dans des circonstances
semblables : « J'aurais beau parler les langues des hommes et des anges, si je n 'ai pas l'amour, je
ne suis qu'un gong retentissant, une cymbale tonitruante, J'aurais beau être inspiré, savoir tous les
mystères et toute la gnose, j'aurais beau avoir toute la foi au point de transporter les montagnes, si
je n'ai pas l'amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens, quand je livrerais mon
corps aux flammes, si je n 'ai pas l'amour, cela ne sert à rien. L'amour patiente, l'amour est
accueillant, il n 'est pas jaloux, l'amour n 'est pas vantard, pas gonflé, pas malfaisant. Il ne
cherche pas son intérêt, il ne s'irrite pas, il ne pense pas à mal. Il ne se réjouît pas de l'injustice,
mais il se réjouit dans la vérité. Il supporte tout, a foi en tout, espère tout, endure tout. »
Mais qu'est-ce que l'amour, dans le fond ? Nous croyons tous savoir ce qu'est l'amour : un
sentiment de nature changeante, un désir qui se porte vers un autre que soi, une affection qui lie la
chaîne de la génération. Ce n'est pas de cet amour-là dont nous parle Paul ! Il ne s'agit pas d'un
amour particulier, d'un amour naturel, mais d'un amour qui, nous dit-il, est « la vie de l'esprit ». Or,
l'esprit n'obéit pas aux lois de la nature, mais à des lois contraires. Nous avons ce mot, a priori :
amour. Mais nous n'entendons pas le bon concept. L'amour commun est un élan de nature
instinctive. De caractère intuitif, il est intéressé, jaloux, possessif, il est formé de préjugés, marqué
par une culture, il se clôt sur lui-même. Simple sentiment, il n'a qu'une valeur relative à la
personne.
L'amour spirituel, lui, est absolu. Nous le découvrons lorsque nous effaçons de nos âmes les
jugements, les croyances, les opinions, les idées reçues, les désirs liés à la nature.
Autant de barrières qui font obstacle à l'amour vrai. Ce n'est que lorsque nos âmes ont la
transparence du cristal, que la nature s'efface, que nous contemplons le pur amour qui ne s'attache à
personne en particulier. Ayant vu avec les yeux de l'âme cet amour sublime, sans écrin, nous
commençons à aimer les êtres jetés dans la création sans faire de différence. Il y a d'abord l'amour,
ensuite la personne qui souffre dans son existence.
Celui qui aime de cet amour-là est allé puiser une telle puissance à une source qui n'est ni dans la
nature, ni dans la nature humaine. Nous comprenons alors que l'amour témoigne de la vie de
l'esprit.
Nous ne serons reconnus en tant que cathares que si nous portons en nous-mêmes le sceau
du pur amour. En chacune de nos paroles, en chacun de nos actes, il fera vivre l'esprit.
L'amour fonde la pensée cathare et la mystique de l'amour donne sens à notre cheminement.
Nous allons vers la non-violence, tendus vers l'amour qui déroule devant nous une praxis de
perfection. La non-violence est paradoxale et nous savons que dans le monde où nous vivons elle
peut être assimilée à la soumission. Or, répondre à la violence par une contre violence revient à
tomber dans le piège de la nature humaine. L'Évangile de Matthieu rapporte ces paroles de Jésus :
« Moi je vous dis : ne vous opposez pas au mauvais. Mais qui te gifle sur la joue droite, tend aussi
vers lui l'autre. Qui te réquisitionne pour un mille, fais en deux avec lui. » Jésus était non-violent
dans un pays occupé par une armée étrangère. C'est autre chose que d'être non-violent dans un pays
apaisé.
Chacun sait ce qu'est la violence physique, chacun croit savoir ce qu'est la violence morale.
La difficulté majeure consiste à concevoir la violence de la nature elle-même, la violence que nous
partageons naturellement, que le monde valorise extrêmement, la violence de la vie. Observons
l'immense chaîne trophique de la vie et de la mort : tout être vivant est à la fois proie et prédateur.
La vie se nourrit de la vie ou de la mort. Les deux termes sont si étroitement liés qu'ils sont
interchangeables. La vie est une mort et la mort est une vie. Par opposition, l'idéal évangélique nous
tend vers une vie qui n'est pas une mort, une vie véritable qui n'est pas liée à la mort. L'évolution
des espèces a fourbi les meilleures armes pour attraper, enserrer, déchirer, empoisonner. De la ruse
de l'animal à l'intelligence de l'homme, la vie appelle à manger l'autre, à saisir sa nourriture, à
conquérir son territoire. Comment a-t-on pu imaginer qu'un tel monde, où les plantes elles-mêmes
se font la guerre, fût une création du bon Dieu, si ce n'est en faisant de l'homme l'image de Dieu
ou, pour le dire autrement, en créant Dieu à la ressemblance de l'homme ?
Jésus n'aime pas les sacrifices. Il chasse les maquignons du Temple. La non-violence est un
absolu. Elle ne guide pas la relation de l'homme à l'homme, mais de l'homme à la nature entière.
Paul dit dans la lettre aux Romains : « Jusqu'à présent toute la création gémit dans les douleurs. »
Il ne faut pas chercher ailleurs le fondement de la dualité qui va diviser le christianisme. Dès lors
qu'un dieu qui assume la cruauté ou la nature du monde s'oppose à un dieu qui la rejette, deux
notions de Dieu s'affrontent. Le premier habite dans le Temple, les prêtres sont ses serviteurs et ses
médiateurs, il est le législateur, le garant de la justice, le chef des armées. Le second est son
contraire. Il ne se perçoit que dans les âmes pures et ne parle qu'aux consciences éclairées. Nous
comprenons que le premier dieu, qui connaît la haine et toute la gamme des sentiments, fasse la
guerre au second. Nous comprenons aussi que le second dieu, qui ne connaît que l'amour absolu,
c'est-à-dire l'esprit, soit crucifié en ce monde.
La non-violence ou le pur amour a un corollaire : la vérité. Non pas une pseudo vérité,
d'ordre spéculatif ou rhétorique, à laquelle répond la croyance, mais la vérité vraie qui s'appuie sur
l'attestation des faits et la logique du discours. La vérité n'est pas donnée, elle est un mouvement
universel de la pensée. La science est son domaine. La nouvelle gnose ne s'appuie plus sur des
mythes, ces merveilleuses tentatives de la pensée pour expliquer le monde par un enchaînement
d'images et de concepts, mais sur des théories scientifiques toujours renouvelées qui ne sont pas
moins étonnantes et mystérieuses. À cet égard, notre vision du monde et de l'univers n'est plus celle
des nazaréens de la Judée romaine, ni celle des cathares du Moyen Âge.
La vérité est le corollaire de la non-violence parce que le mensonge est du domaine de la
violence. Le mensonge cache toujours un intérêt, l'intérêt du puissant aussi bien que de l'esclave.
Le christianisme classique constitue le plus grand mensonge, une fabuleuse rhétorique, une
gigantesque manipulation fondatrice de nos sociétés occidentales. Le christianisme classique a
laissé accroire qu'il portait le message de Jésus par voie apostolique authentifiée, alors qu'il fut
porté par une œuvre en forme de tragédie grecque et fut édifié par les pouvoirs politiques, romains
et mérovingiens, propres à contredire les fondements non-violents de l'idéal nazaréen. Il est de
notre devoir d'approfondir la vérité historique. Nous ne pouvons pas lire les textes évangéliques
sans une lecture critique approfondie de l'ensemble du corpus canonique et apocryphe. Nous ne
sommes tenus par aucun credo et la théologie, c'est-à-dire le discours sur Dieu, n'a pour nous aucun
sens. Qui connaît Dieu pour oser en parler ? Tout discours sur Dieu est un mensonge qui cache le
discours de la nature humaine.
Si le mensonge n'est pas tout simplement trivial, il procède de la croyance ou de l'opinion
qui constituent le dernier degré de la pensée. L'une et l'autre se fondent sur une pseudo
connaissance, une gnose erronée qui a perdu la raison. La quête de la vérité est aussi difficile que
celle du pur amour. Être cathare, c'est être toujours en éveil. S'il y a une discipline, dans cet élan de
liberté, elle est là ! Toute parole doit être précédée du questionnement à soi-même : suis-je fondé à
dire ce que je dis ? Suis-je certain de la vérité des faits ? Mon discours est-il valide conformément
aux règles de la logique ? De quel droit prononcé-je tel jugement ? De même, tout acte doit être
précédé du questionnement à soi-même : quel degré de violence porte-t-il ? Qu'elle violence
économique contient en lui-même l'objet de ma consommation ? De quelle violence me fais-je le
complice en participant à tel ou tel système mondain ? Être cathare n'est pas un mot, c'est une
philosophie de vie exigeante qui nous transporte ailleurs.
La nature est une référence basse, elle ne peut constituer notre modèle, ni la nature humaine.
L'accomplissement de nos vies consiste précisément à transcender la création diabolique, dont nous
avons vu qu'elle est fondamentalement cruelle et perverse, que chaque créature n'existe que par la
satisfaction de ses appétits.
Nous sommes végétariens parce que la violence commence à notre table. Nous mangeons
pour vivre, certes, mais le repas ne peut-être le moment d'une réjouissance aveugle ou celui d'une
bénédiction divine. Jésus était végétarien. Il semble qu'il mangeait le poisson. C'est la raison pour
laquelle les cathares du Moyen Âge faisaient de même. Il se peut aussi que les hellénistes qui ont
écrit les évangiles, nous aient induits en erreur. Nous voyons que la tradition pétrinienne des
premiers siècle est scrupuleusement végétalienne et nous savons que la liberté de table est venue de
Paul qui s'était donné pour mission de convertir le monde païen, de l'Arabie à l'Espagne.
Manger bio n'est pas pour nous un but en soi ou une religion, c'est notre façon d'être aussi
peu violent que possible envers le règne végétal et la nature en général. Nous sommes écologistes
avec les écologistes parce que nous ne prétendons pas à la supériorité de la nature humaine dans le
règne animal, et que nous n'avons pas vocation à soumettre les vivants de la Terre. La planète est un
jardin que nous visitons, mais qui ne nous appartient pas.
Nous sommes décroissants avec les décroissants, parce que la perfection est de l'ordre de la
simplicité. La notion de pouvoir d'achat nous est étrangère. Nous n'adhérons pas à la religion du
progrès qui vise à satisfaire les désirs à l'infini, qui sacrifie la vie à l'inutile et au futile. Nous
vivons en retrait de la violence économique dont il est inutile de faire ici le procès.
Parce que nous sommes non-violents, au plus profond de notre âme, nous ne nous
connaissons ni adversaires, ni ennemis. Nous sommes juifs avec les juifs parce que leur histoire est
notre préhistoire. Nous ne pouvons pas comprendre Jésus sans connaître les enjeux de la société
juive du premier siècle, sans entrer en relation avec les thérapeutes, les esséniens, les pharisiens, les
zélotes, les sadducéens et les hellénistes.
Nous sommes chrétiens avec les chrétiens, je veux parler des chrétiens des Églises
classiques, parce que leur histoire est parallèle à notre histoire. Il y a chez eux beaucoup de gens de
bien, des quêteurs égarés du pur amour. Nous entendons les patriarches de Constantinople et de
Moscou et le pape de Rome, en dépit des contradictions de leurs religions et de notre philosophie.
Ils sont liés par la pesanteur de leurs traditions et leur histoire violente, tandis que nous sommes
libres.
Il y a dans cette façon d'être quelque chose de Paul, qui proclame : « Libéré de tout, je me
suis asservi à tous pour gagner le plus grand nombre. Et je me suis fais juif avec les juifs pour
gagner les juifs : soumis à la torah avec ceux qui sont sous la torah - moi qui ne suis pas sous la
torah - pour gagner ceux qui sont sous la torah. J'ai été sans torah avec ceux qui sont sans torah,
moi qui ne suis pas sans loi de Dieu, puisque sous la loi du Christ, pour gagner les sans-torah. Je
me suis fait faible avec les faibles pour gagner les faibles ; je me suis fait tout à tous pour en sauver
du moins quelques-uns. Et je fais tout pour l'évangile, pour y avoir part. » L'apôtre cherchait les
conversions, dans une perspective de fin du monde annoncée, ce qui n'est pas notre cas. Le
prosélytisme ne peut être pour chacun de nous que la conséquence passive d'une existence réussie.
Devenons des modèles de haute humanité et laissons l'esprit souffler où il veut, quand il veut.
Je dis les choses comme si notre assemblée parlait d'une seule voix. Je sais pourtant que
nous formons une diversité, que chacun se trouve à un moment particulier de sa vie, à une étape du
chemin, à un croisement peut-être. Nous avons tous reçu des empreintes, des enseignements, des
influences, nous avons chacun notre propre histoire et notre destin, nos inhibitions et nos barrières,
nos zones d'ombre et de lumière. Notre rencontre prend acte de cette diversité. Mais ce qui nous
unit est infiniment plus grand et plus puissant que ce qui nous différencie. Serions-nous là, s'il en
allait autrement ?
Les discours et débats qui animeront notre pentecôte vont, je le crois, témoigner de notre
capacité à écouter et à entendre et, finalement, construire notre unité. Pour la première fois depuis
sept cents ans, un mouvement de la pensée cathare, affirmée en tant que telle, se produit. Certes, la
réalisation de nos propres vies nous appartient, nous sommes tendus, individuellement, vers notre
propre devenir ; mais notre responsabilité est aujourd'hui majeure. Il nous appartient d'avoir ou de
ne pas avoir une existence collective. Ne nous quittons pas avant d'accomplir ensemble quelque
chose de grand et d'irréversible.
Dans les flammes des bûchers, les cathares du Moyen Âge nous regardent.
Je vous remercie.

Photo: Eric Delmas (Catharisme d'aujourd'hui)
Yves Maris - Clôture (31 mai 2009)
Publié le 4 juin, 2009 dans Réseaux cathares
Mesdames, Messieurs, Mes amis,
Cachée dans les bois, il y a près d'ici une grotte où les cathares du Moyen Âge avaient probablement l'habitude de se retrouver pour écouter quelque prédicateur. Le lieu pouvait aussi servir de refuge aux fugitifs. On voit encore l'ancrage des poutres de l'auvent dans la paroi rocheuse et des matériaux de construction dispersés au fond de l'antre. Le lieu n'est pas aujourd'hui très accueillant ; mais nous pourrions envisager de nous y retrouver pour nous relier à ceux qui nous ont précédés. Nous ne cherchons ni le confort ni les décors que notre société sait si bien utiliser lors de colloques ou de congrès. Nous avons pensé qu'une organisation bien ordonnée et recherchée ne convenait pas à notre cheminement, qu'elle venait en contradiction avec les scènes évangéliques : « Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel, des nids, et le fils de l'homme n'a pas où reposer la tête. »
Les meetings sophistiqués coûtent cher et nous ne souhaitons pas laisser des questions d'argent s'imposer dans nos relations. Après cette rencontre historique, nous ne pouvons plus être tout à fait comme avant. D'abord, individuellement, parce que nous nous sommes questionnés sur notre propre existence, nous avons peut-être découvert un cheminement qui pourrait être le nôtre, nos vies ont pu trouver ici leur véritable sens, nous avons fait des rencontres inoubliables. Ensuite, collectivement, parce que nous avons dessiné un corps social dans la continuité de celui des cathares du Moyen Âge et le prolongement de la longue chaîne gnostique. Il nous appartient maintenant de consolider ce corps, de le mettre en mouvement et de le faire vivre.
Nous ne pouvons pas formaliser notre élan conformément à un droit social, le normaliser, le figer dans une structure associative de caractère mondain, dont la trivialité serait contraire à notre idéal. Laissons au monde ses organisations associatives, partisanes ou ecclésiales qui génèrent des hiérarchies, des règlements, des obligations légales. Restons anarchistes ! Nous nous sommes déjà orientés vers un déploiement en réseau, continuons, puisque c'est la meilleure voie pour être librement reliés. Le réseau tisse de lui-même sa logique. Il vit sa propre vie, que nul ne saurait maîtriser. Chacun de nous témoigne d'une existence sur la toile, chacun constitue un point qui se déplace librement dans l'espace et le temps sans démailler l'ensemble. Tout groupe de rencontre qui se constitue en tel ou tel lieu forme un noeud ou un repère qui consolide l'ensemble. Chacun de nous a vocation à nouer les liens et à former un noeud. Un réseau n'a pas de point central, sa raison [d'être] est de s'étendre à l'infini. Le réseau des cathares d'aujourd'hui sera notre oeuvre à tous. Par des événements comme celui que nous connaissons, nous le rendons visible ; nous choisissons d'apparaître, pour nous aimer, les uns les autres et nous réconforter.
Le terme « cathare », du grec katharos qui signifie « pur », pose question à nos détracteurs qui invoquent l'histoire et nient son authenticité. Ils insinuent le doute. Nous comprenons l'enjeu, car il faut être nommé pour exister ; et la négation du terme efface notre existence. Certes, ce serait un abus de langage de prendre le mot au sens premier. Nul ici ne prétend être pur ; nous ne sommes pas sans mélange. Mais le terme est désormais consacré par l'usage et nous le prenons comme tel. Il ne nous viendrait pas à l'idée de ne pas utiliser le terme « chrétien », au prétexte qu'il n'apparaît qu'à la fin du premier siècle sous le calame d'Ignace d'Antioche qui reprend une dénomination populaire : du grec khristianos qui signifie « frotté d'huile ». De même, je ne vois pas le mal qu'il y a à se proclamer hérétique. Le terme « hérésie », du grec hairesis qui signifie « opinion particulière », nous oppose très justement à la pensée unique qui mène le monde. Être hérétique dans la société que nous connaissons constitue notre gloire.
Qui sommes-nous ou, plutôt, qui voudrions-nous être ? Si nous partons des notions développées par Paul dans sa lettre aux Romains, nous sommes d'abord des fils d'Adam, c'est-à dire des fils de l'homme. Et nous savons que le premier homme est encore une bête. Paul propose le concept d'« homme animal ». Celui-ci n'est mené que par ses appétits ou ses instincts de survie ; il a des sentiments, il se montre aimable, jaloux, cruel, violent et possessif. Il ne peut vivre en société que s'il est encadré par un droit, s'il est soumis à une loi positive imposée par une puissante autorité. Selon la légende biblique, cet homme animal est la créature du dieu des Hébreux. La torah est la loi que ce même dieu accorde à son peuple pour garantir son existence sociale. L'alliance qui en résulte a pour but la vie éternelle, en contrepartie de la reconnaissance et de la fidélité à ce dieu :les fidèles sont assurés d'une longue vie par l'éternité du peuple et par le sang ancestral qui coule dans leurs veines et qu'ils transmettront à l'infini.
À l'homme animal, Paul oppose l'homme spirituel. Il s'agit d'une création qui échappe au dieu du monde. Elle émane du Christ : « De sorte que par le Christ, dit Paul, on est une création nouvelle : ce qui est ancien a passé ; voici que tout se renouvelle. » Le Christ est le créateur du nouvel homme. Il est certes lui-même « fils de l'homme » par la chair, mais il dépasse la filiation humaine pour devenir « fils de Dieu » par l'esprit. Tandis que l'homme animal est constitué d'une âme et d'un corps, le nouvel homme est doté de l'esprit et, par conséquent, du discernement de la conscience. Il se libère de sa nature, des appétits, des instincts, des sentiments qui s'attachent à la génération charnelle. Il n'a d'autre loi que celle qu'il découvre au coeur de sa conscience éclairée : la loi du Christ. Il est non possessif et non-violent. Il a vocation à se libérer du corps et de l'âme, pour n'être plus qu'esprit : « Qui me délivrera du corps de cette mort ? », s'écrie Paul. L'éternité concerne désormais la personne elle-même, non plus le peuple en son ensemble. L'accomplissement de chaque vie réside dans sa participation à l'esprit.
Nous comprenons que la question sexuelle est sous-jacente à cette dualité humaine. Dans latradition juive, Israël est fils de Dieu, en tant que peuple. La notion de filiation est collective. Pour tout homme, la bénédiction de Dieu se traduit par une famille nombreuse, en bonne santé. L'éternité réside dans la procréation et se gagne par la génération, l'acte sexuel est sacralisé en tant que principe de vie éternelle et obéissance au pacte d'alliance que les patriarches ont conclu avec Dieu : « Croissez et multipliez-vous ». Le peuple doit survivre et son dieu avec lui. Les intérêts sont liés au taux de fécondité.
Dans la conception chrétienne, la vie éternelle est attachée à la personne qui participe à l'esprit du Christ : « Le premier homme, Adam, dit Paul, fut une âme vivante, le dernier Adam [le Christ] est un esprit qui fait vivre ». L'âme meurt avec le corps, tandis que l'esprit est immortel. Pour être bien compris, Paul ajoute : « Il n'y a pas d'abord l'esprit, mais l'âme, et ensuite l'esprit ».La génération d'Adam est charnelle et mortelle, la génération du Christ est spirituelle et immortelle. La première création s'accroît grâce à une filiation charnelle, la seconde création se développe grâce à une filiation spirituelle. L'acte sexuel vient de perdre son sens. C'est avec cette notion fondamentale de la perte de sens de l'acte sexuel que nous devons aborder la question de la sexualité dans le christianisme. Il s'agit d'autant moins d'une question morale que nous savons que la morale n'a pas de fondement vrai. Il s'agit d'une question de principe. Faire l'amour pour procréer dans la chair nous retient simplement dans la génération première et inscrit notre progéniture, a priori, dans cette génération qui revêt la forme de l'exil terrestre et de la captivité corporelle. La responsabilité de l'acte réside dans la fécondation bien plus que dans les ébats amoureux. Les judéo-chrétiens n'ont pas rompu avec la tradition juive. Le mélange de l'âme spiritualisée et du corps sanctifié fonde chez eux la croyance en la résurrection de la chair, qui justifie l'acte sexuel, a posteriori. Interrompre une grossesse ne signifie donc pas seulement effacer une vie en puissance, mais contrarier la logique qui conduit de l'acte à la descendance, c'est-à-dire à une longue vie par procuration. L'avortement devient un péché plus grand que le meurtre ou le viol, car il nie la bénédiction de Dieu qui réside dans la filiation porteuse d'éternité. De même, la contraception est condamnée parce qu'elle refuse objectivement la bénédiction divine. Aussi, puisque l'acte sexuel ne peut tendre que vers la procréation, il doit être sacralisé par le mariage, garant de la filiation. Nous voyons que nous sommes à l'opposé de la pensée cathare.
La discussion est ouverte, dès le premier siècle, entre les ascètes, pour qui la procréation n'a plus de sens, et les géniteurs, pour lesquels elle reste un commandement de Dieu. Paul, qui est persuadé de vivre la fin des temps, demande que l'on ne se marie pas, sauf à ne pouvoir maîtriser sa continence. Dans ce cas, dit-il, que chacun, de l'homme et de la femme, ne se refuse pas aux appétits de l'autre. Pour l'apôtre, le mariage est une tolérance. Il ne vise plus la procréation, qui perd également son sens dans une perspective de fin des temps imminente, mais la limitation de l'acte sexuel. Le mariage constitue une barrière contre l'amour libre, auquel il ne peut adhérer, mais que pratiquent certains gnostiques, pour qui aimer sans procréer constitue une délicieuse désobéissance au créateur. Je ne crois pas que nous devions nous focaliser sur l'acte sexuel à propos d'une pensée cathare modernisée. Fidèles à la logique judéo-chrétienne, les catholiques proclament l'interdit de la contraception. Nous pensons différemment que mieux vaut la régulation des naissances que le populationnisme ou l'humanité proliférant comme une lèpre sur la planète Terre. Les gens irréfléchis nous opposent généralement deux arguments contradictoires : soit l'ascèse cathare amène à l'extinction de l'humanité, soit la chasteté est impossible à vivre. Au premier, nous répondons que l'humanité est loin d'avoir vocation à être parfaite ; au second, que la continence n'est le fait que d'une poignée d'élus qui prononcent leurs voeux de perfection. Lorsqu'elle s'agenouille devant Guilhabert de Castres, Esclarmonde de Foix a cinquante ans, elle est veuve du vicomte de l'Isle-Jourdain et a élevé ses cinq enfants auxquels elle a abandonné son héritage. Entre les superstitions de Pèire Authié, qui s'interdit d'effleurer la main d'une femme, et les frasques de Guillaume Bélibaste, qui engrosse une passante, je choisis la sagesse d'Esclarmonde. Une vie accomplie doit avoir été vécue. Et une sexualité libérée ne prépare pas moins à des voeux de perfection qu'une inhibition morbide.
Lorsque nous agissons, en toutes choses, ne nous demandons pas si nous dérogeons à une règle, si nous bafouons un dogme, si nous enfreignons une norme, si nous heurtons une morale mondaine. « Tout est permis ! » proclame Paul qui abroge toute loi positive. « Mais tout n'édifie pas », ajoute-t-il. Posons-nous les questions en ce sens : notre parole ou notre action est-elle violente ? S'inscrit-elle dans notre démarche d'amour ? Sommes-nous vrais ou ne le sommes-nous pas ? Bref, sommes-nous en contradiction avec notre conscience et notre conscience est-elle suffisamment éclairée ? Nous ne sommes pas seulement responsables de nos actes en eux-mêmes, mais de ce qu'ils provoquent, de la cascade de causalités que nos paroles ou que nos actions entraînent. La perfection de nos initiatives ne va pas sans cette prise de conscience.
Certains nous diront encore que le catharisme fut une Église de parfaits et que, depuis que le dernier fut brûlé sur un bûcher, l'Église s'est éteinte ; comme si la pensée et l'esprit du Christ se consumaient avec le corps. J'ai entendu des historiens du catharisme médiéval, et d'autres qui ne le sont pas, affirmer que la chaîne apostolique était rompue en sa branche cathare, puisque nul n'était désormais disponible pour recevoir des voeux de perfection et pratiquer l'imposition des mains rituelle. J'ai même entendu l'un d'entre eux dire qu'il faudrait qu'un évêque catholique passât à l'hérésie pour que l'esprit cathare fût justifié par la chaîne apostolique ! C'est ignorer que cette chaîne apostolique fut une invention d'Irénée de Lyon, au deuxième siècle. L'évêque cherchait à asseoir l'autorité de l'Église romaine, qu'il représentait, face aux disciples de Marcion et de Valentin. Nous n'avons que des récits légendaires sur le devenir des premiers disciples de Jésus. Nous savons que Jacques, non le disciple mais le frère de Jésus, fut le patriarche de la communauté de Jérusalem, selon le principe dynastique. Nous savons qu'il était, dans un premier temps, entouré de Pierre et de Jean. Que la pensée libérale de Paul était loin de recevoir leur agrément, même s'il réussit à leur arracher un accord au sujet des païens convertis. Paul ignore toute idée de succession apostolique. D'abord, il se considère comme le seul apôtre, l'envoyé du Christ par opposition aux disciples à qui Jésus n'a jamais demandé d'aller annoncer le royaume en dehors d'Israël. Il raconte, qu'après avoir reçu la grâce et mission du Christ d'aller vers les nations, il se mit aussitôt en chemin vers l'Arabie et ne rencontra Pierre et Jacques que trois ans plus tard. Opposer la succession apostolique à la résurgence cathare, c'est nier Paul et tout ce que le corpus canonique a d'authentique. C'est prendre l'argument de Rome ! L'idée de chaîne apostolique s'appuie sur la notion de succession authentifiée. Le baptême, l'onction, l'imposition des mains sont reçus d'untel qui les a lui-même reçus d'untel et ainsi de suite. Sur le principe de la grâce, qui n'est reçue que du Christ, sans intermédiaire, Paul suppose à ce système d'authentifîcation qui favorise les divisions et provoque les excommunications. Voici ce qu'il dit face à une situation qui préfigure l'institution d'Églises diverses : « Ceux de Chloé m'ont fait savoir à votre sujet, mes frères, qu 'il y a des disputes parmi vous. Je dis ceci, parce que chacun de vous dit : moi je suis de Paul, moi d'Apollos, moi de Képhas, moi je suis du Christ. Etaitil partagé le Christ ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Avez-vous été immergé au nom de Paul ? Je remercie Dieu de n'avoir immergé aucune d'entre vous, sauf Crispus et Gaïus, pour que nul ne puisse dire que vous avez été immergés en mon nom, J'ai immergé aussi la maison de Stéphanos. Pour le reste, je ne sais si j'ai immergé personne d'autre, Non, certes, le Christ ne m'a pas en effet envoyé pour immerger mais pour annoncer le message. ». Nous aurons compris que Paul n'attache pas d'importance à quelque rituel d'appartenance. Seule la grâce du Christ fait le bon chrétien !
L'idée de chaîne apostolique pourrait prendre sens si elle permettait de transmettre l'enseignement authentique de Jésus à chaque génération. Or, nous savons bien que l'Église romaine a, à maints égards, un enseignement contraire à celui de Jésus et nous devons admettre que l'Église cathare du Moyen Âge ne portait pas non plus l'enseignement authentique de Jésus, malgré tous ses efforts pour s'en rapprocher au plus près. L'enseignement authentique de Jésus est perdu parce qu'il n'y a jamais eu de véritable chaîne apostolique. Nous ne pouvons tenter que de le retrouver, par la critique des textes dont nous disposons, par notre questionnement, par les effets de la grâce et par notre vécu. La perfection de Jésus ne se transmet pas, elle s'expérimente.
Mais nous savons que la perfection véritable n'est pas de ce monde et que nous ne l'atteindrons pas dans le domaine de l'incarnation. « Quand viendra le parfait, dit Paul, ce qui est partiel disparaîtra. » La perfection est un cheminement vers le pur amour et la simplicité. Elle n'est jamais un état, seulement un mouvement. Paul dit aussi : « Je n'ai pas encore reçu [toute la connaissance] et je ne suis pas encore parfait, mais je poursuis et tâche de saisir [de comprendre], ayant moi-même été saisi par le christ Jésus. »
II n'empêche que vient un moment où, par abus de langage, la perfection est reconnue et où « le parfait » devient le modèle vivant. Nous savons qu'il y a un cercle intérieur de parfaits dans l'Église paulinienne, comme chez les cathares du Moyen Âge. Voici ce que dit l'apôtre à propos d'un enseignement ésotérique sur la sagesse : « Nous parlons de sagesse parmi les parfaits, sagesse non de ce siècle ni des chefs de ce siècle, nous parlons d'une mystérieuse sagesse de Dieu, celle qui a été cachée et qu'avant les siècles Dieu a prédestinée à notre gloire, celle qu'aucun chef de ce siècle n'a connue. Oui, s'ils l'avaient connue, ils n 'auraient pas crucifié le seigneur de gloire. »
Le mouvement cathare peut-il vivre dans la modernité sans un cercle de parfaits ? Si, chez Paul, le parfait n'a vocation ni à baptiser, ni à imposer les mains, il constitue cependant le modèle pour ceux dont le discernement de la loi du Christ n'est pas assuré. Paul dit clairement : « Je poursuis le but pour le prix auquel Dieu m'a appelé d'en haut dans le christ Jésus. Nous tous, les parfaits, c'est donc à cela qu'il nous faut tendre ; et si vous tendez à quelque chose d'autre cela aussi Dieu vous le dévoilera. Il n'y a qu 'à marcher à partir d'où nous sommes. Soyez mes imitateurs, frères, et surveillez ceux qui marchent selon l'exemple que vous avez en nous. » Paul était un éclaireur et les parfaits, autour de lui, parmi les premiers selon le Christ. Sans modèle de parfaits vivant dans notre siècle, nous avons toutefois l'évangile et l'enseignement de Paul. L'esprit transcende les siècles et nous ne sommes pas aussi seuls et ignorants que nous pourrions le penser. Plus le cercle des croyants que nous constituons s'élargit, plus nous avons la chance de percevoir ici et là de brillantes personnalités s'élever dans l'intellect et la vérité, dans la pratique du pur amour et de la simplicité. Nous ne devons pas considérer l'imposition des mains comme un acte magique qui ferait descendre l'esprit sur terre ou le transmettrait d'une personne à une autre. Nous ne sommes pas du genre magicien et nous savons que l'esprit souffle où il veut, quand il veut. L'imposition des mains signifie la reconnaissance d'une grâce préalablement reçue. Elle marque le passage du seuil, à partir duquel le chemin de perfection devient visible. L'imposition des mains est un témoignage, une attestation. Elle est le signe d'une élection auquel une très large communauté peut conférer, le moment venu, autant d'authenticité qu'un cercle étroit de parfaits. Il n'y a pas d'abord le parfait, puis la communauté, mais inversement, le mouvement communautaire, puis les parfaits garants des liens qui réunissent dans la communion de l'esprit. Ne soyons pas impatients. L'amplitude de notre mouvement s'inscrit dans le long déroulement du temps et nous sommes la génération refondatrice.
Je vous remercie.
Yves Maris (1950-2009), celui qui a redonné une impulsion au catharisme contemporain ...
Voir son excellent site ,« CHEMINS CATHARES »qui propose des articles et essais de Yves MARIS en vue d'approfondir la philosophie des cathares.
La voix de Yves MARIS s'est tue le 29 juillet 2009.
Nous souhaitons que sa parole continue à circuler.
Mais, conscient que la « Parole essentielle » est présente
en chacun de nous, notre père disait aussi :
« Les mots ont une limite, le discours s'épuise lorsque l'ineffable, l'indicible, le sublime vient toucher la conscience. Il ne reste alors que le silence à partager. »
Ses enfants.
https://www.chemins-cathares.eu/090100_autobiographie.php
La résurgence cathare. Le manifeste - Yves Maris
Quatrième de couverture
Nous avons du mal à imaginer la diversité d'idées que portait le christianisme primitif. Le christianisme moderne revêt également des formes multiples et contradictoires ; mais elles se fondent généralement sur les dogmes imposés par l'Église victorieuse des disputes des IIe et IIIe siècles avec l'appui décisif de l'empereur Constantin.
L'Église nouvelle décida de l'orthodoxie et des pensées chrétiennes qui seraient déclarées hérétiques. Elle réécrivit l'histoire en gommant les conflits, en inventant la succession apostolique, en imposant le canon des Écritures, en faisant croire que son enseignement trouvait sa justification en Jésus lui-même.
Le XXe siècle fut riche de découvertes de manuscrits qui attestent de la richesse intellectuelle des formes chrétiennes. Il mit en lumière la composition des Évangiles canoniques et découvrit la fausseté de nombreuses lettres apostoliques. L'ensemble des éléments de recherche autorise à faire le choix d'un autre christianisme que celui qui contraint les consciences depuis le concile de Nicée. Dans la filiation authentique de Paul de Tarse et de Marcion de Sinope, la pensée des cathares du Moyen Âge fut interdite. Les livres et les humains qui la portaient furent brûlés.

Le Pog de Montségur (Photo LuMa-2015.)
Yves Maris écrivait dans son essai "Le symbole de Montségur " : Montez à Montségur ! Non pas un 16 mars, comme les ignorants qui restent plantés sur une date julienne et commémorent l'apparence du bûcher, mais au petit matin d'équinoxe. Tournez votre regard vers le ciel... « Il y a plusieurs manières de voir le ciel, disait Sohravardî. Il y en a une qui est commune aux hommes et aux animaux. Il y a celle des hommes de science, astronomes et astrologues, lesquels voient le ciel avec les yeux du ciel. Il y a enfin ceux qui ne voient le ciel ni avec les yeux de la chair, ni avec les yeux du ciel, mais avec les yeux de la vision intérieure. »
Il nous reste donc « Le Cant del Boièr » et, tout en haut du promontoire, échoué et déserté, le vaisseau de quelques pêcheurs d'hommes emportés un jour d'équinoxe pour un mystérieux Au-delà. L'épave demeure, elle invite au voyage. Les cathares nous ont laissé un symbole caché dans le cœur du chant populaire. « La paura Joana » (la pauvre Jeanne) est la métaphore de l'Eglise cathare. Le message témoigne de l'espoir des parfaits en un retour de la sagesse gnostique (Al cap de sèt cents ans...). Le symbole n'appartient pas au temps historique, il est aujourd'hui ce qu'il était hier et ce qu'il sera demain, la jonction du Temple terrestre et du Temple céleste dans l'Eternel-présent. Yves Maris
Ruben Sartori et Éric Delmas lors de la septième rencontre cathare à Roquefixade
(Photo LuMa - 2015 )
Bienvenue dans le catharisme du 21e siècle

Le site très documenté et "presque parfait" d'Eric DELMAS
Que le catharisme soit pour vous un sujet sur lequel vous n'avez aucune connaissance réelle, ou que vous ne l'ayez approché que par des brochures touristiques ou quelques ouvrages de vulgarisation, ce site va vous permettre d'aller un peu plus loin sans vous noyer dans des documents obscurs et compliqués.
Vous trouverez dans ce site, dans la partie réservée aux abonnés, des documents spécifiques à la religion chrétienne cathare et à sa pratique rituelle et communautaire...
Ruben Sartori (dit de la Bastide) tout comme le site "maison cathare" sont rentrés dans le silence du retrait et ne sont donc plus joignables.Nous respectons bien évidemment ce choix et il nous reste ses nombreux écrits édifiants que vous pouvez découvrir sur https://catharisme.eu et https://occitanie.cathare.eu
.....la racine grecque de pshukhê, qui signifie souffle comme nous l'avons vu, provient de psukhos [Ψυχος] qui signifie souffle froid, ou tout simplement fraîcheur, froidure.Alors tout devient clair, le souffle qui anime le corps n'est qu'un refroidissement du souffle divin.L'âme est une altération de l'Esprit, qui s'opère par sa mise en bière dans la matière.Ce principe de vie, qu'est l'Esprit, enfermé dans la matière inerte, devient une âme attachée au corps, elle le fait vivre. Elle en devient l'instrument, l'esclave. Telle une Danaïde prisonnière d'un cycle infernal, dès qu'un corps meurt, elle recommence avec un autre...Mais l'âme qui reconquiert sa véritable nature, en redevenant Esprit, n'est plus attachée au corps, mais au contraire s'en détache.L'illusion sensible de ce monde ne peut plus le retenir. Il passe.
Ruben SARTORI - Le composé tripartite de l'être humain
Lire également ses textes éclairants sur le site : https://www.occitanie-cathare.eu/benissez-pardonnez
Gilles-Henri TARDY de l'Eglise Cathare Orientale

Gilles-Henri TARDY
Ce que Dieu veut ...Nous avons eu dans le passé des hommes remarquables qui ont tenté de comprendre la nature de Dieu, ou plus précisément comprendre ce que Dieu attend de l'humanité. Nous pourrions, comme nos Anciens depuis deux mille ans, débattre sans cesse de la nature de Dieu et nous demander si Dieu, finalement, attend quelque chose de nous. ....
Et dans un article du journal "La Dépêche" en 2016
Recherchons Le Verbe, les Paroles du Père, comme antidote aux conséquences morbides de la vie biologiques ici-bas...
La sagesse de Jésus comme manifestation absolue et définitive de la sagesse d'en haut, parole libératrice des affres de ce monde ...
Par sa réflexion, la femme du logion désigne la vie biologique comme l'origine et la raison de l'irruption de la Sagesse.
Faux, lui répond Jésus. Cette vie peut vous permettre d'accéder une vie bien meilleure pourvu que vous vous en échappiez grâce à la Parole de Sagesse.
Cette Parole qui nous permet de rompre définitivement avec le cycle des renaissances et accéder ainsi au monde de l'esprit.
C'est dans cette idée de libération vis à vis des formes de la réalité présente que le logion se termine par cette phrase " Car il viendra des jours où vous direz : Bienheureux le ventre qui n'a pas conçu et les seins qui n'ont pas donné de lait ! "
Oui, bienheureux et biens aimés seront ceux qui n'auront plus besoin ce ce monde de misère pour accoucher d'une vérité et plus besoin de ce monde pour alimenter cette vérité.
L'Ecclesia spiritualis
GILLES HENRI TARDY·SAMEDI 1 OCTOBRE 2016
L'Ecclesia Spiritualis bogomilo-cathare & La représentation du Temple dans l'Islam chiîte (Etudes interreligieuses-Noviciat de l'ecclesia bulgarae ) Gilles-Henri Tardy, septembre 2016
***L'élément spirituel (Rûhanî) dans la personne humaine des Envoyés correspond aux «purs-êtres» spirituels. Leur « silhouette humaine » correspond aux « temples » de ceux-ci (pour faire simple : à l'esprit qui les anime). Or, le Tawil permet l'esquisse d'une connaissance qui permet, comme le suggère les Sabéens une angélomorphose de l'anthropologie. C'est que la condition humaine ne serait qu'une « représentation » quantique. Pourtant le Coran précise que les Anges devaient se prosterner devant Adam. Or, si celui-ci nécessite un « initiateur » c'est que la notion de hiérarchie doit recouvrer une acception différente dans laquelle s'abolirait l'opposition entre médiation christique et médiation de l'Energie nécessaire au mouvement créateur. La grande erreur chez les chrétiens a été de considérer que « Dieu nous a fait à son image ». Or, ce que Dieu fait, c'est de nous donner la compréhension qu'un autre monde, le royaume divin, « fonctionne » et « interagit » avec notre monde de matière dans des conditions qui échappent à notre entendement premier. Dieu nous « fait » à son image, c'est-à-dire qu'Il nous oriente vers un monde où l'Esprit occupe un espace. Lorsque Jésus annonce qu'Il nous enverra un « autre consolateur », qu'Il fera descendre sur nous l'Esprit, nous en concluons que ce Paraclet, cet Esprit ne sont pas constitués de matière. La matière à une forme, une substance... On considère alors, a contrario, que l'Esprit n'a pas de consistance... Il est Ether, il plane dans l'espace infini où il n'occupe aucune place précise, il devient fluide hypothétique censé remplir nos âmes. Lamartine assis sous son arbre près de Zhalé face à Beyrouth écrivait : Il est « L'harmonieux éther, dans des vagues d'azur, Enveloppe les mondes d'un fluide plus pur ». L'existence possible de l'Esprit est un vague concept et le chrétien en reste là. Oh ! Bien entendu, nous glosons sur l'Esprit... qui n'en a pas entendu parler... Mais qui l'a entendu ? Or, la dénégation conduit à la négation, au néant... Fort heureusement des scientifiques se sont penchés sur la question, comme Jean Emile Charon avec son remarquable ouvrage « L'Esprit cet Inconnu » . Ainsi pour répondre à une question posée par le général de Gaulle au directeur du Commissariat à l'énergie atomique à Saclay, en 1959 mais aussi aux interrogations d'Eunome et de Grégoire de Nysse, pouvons-nous répondre : oui, l'Esprit existe... et nous savons, à peu près comte tenu de nos connaissances, comment il fonctionne ! Sans entrer ici dans le détail, je livrerai ceci : il existe dans le monde immatériel des espaces où des énergies phénoménales produisent des effets tels des singularités créativistes où l'Esprit se meut. Le monde de Dieu est véritablement emplit de mystères... et de merveilles qui ne nous sont pas encore dévoilés.Mon étude d'herméneutique spirituelle comparée entre Eunome et Grégoire de Nysse (que je n'ai pas encore terminée) m'a dors et déjà amené à dégager entre l'herméneutique de Swedenborg et la gnose ismaélienne une identité de vue remarquable. Leurs études montrent, derrière la a priori voire les essais exégétiques des philosophe du fait religieux qu'il y a « une nécessité d'un monde intermédiaire entre le monde sensible et le monde intelligible, le mundus imaginalis » d'Henry Corbin, ou autrement dit « le royaume des corps subtils.Il nous faut dépasser l'opinion courante qui veut que l'Esprit n'a pas de forme. Nous pouvons affirmer que l'Esprit possède un « espace » formé par une courbure extrême de l'Espace dans lequel nous nous mouvons. Sa masse est nul mais l'énergie qui s'en dégage suffit à lui seul pour le « faire » exister. Mais ne tentons pas de comprendre le fonctionnement du royaume divin en utilisant des mots qui se rapportent à la matière de notre « physique ». La science aujourd'hui pousse l'abstraction au-delà de la forme et des figures géométriques, rejoignant les théories énergétiques qui, en physique, transforment la matière en énergie. Et précisément les théosophes l'islam chiites n'ont jamais ignoré les différents états de la matière dont l'aboutissement devient « matière spirituelle » et qu'ils nomment Nafas al-Rahman (le souffle du Miséricordieux) et dont les platoniciens de Cambridge désignaient par spissitudo spiritualis. C'est la raison pour laquelle ces penseurs n'avaient pas de difficultés à concevoir qu'il puisse y avoir des « formes spirituelles ». La gnose chiite a eu de grands noms et ceux-ci ont largement influencés, par leur science, leur sagesse et leur philosophie les maîtres à penser de l'Orient moyenâgeux où se sont côtoyés les philosophes musulmans et chrétiens. L'école de pensée des Ebionites : les Elkassaïtes d'où est issu Mani, les Qarmates, les Euchites, les Messaliens, mais aussi le perse chiite Hadji Bektach Veli ou encore ce platonicien d'exception qu'est le philosophe perse chiite Qazi Said Qômmi au XVIIème siècle. Henry Corbin nous offre ces quelques lignes : «Dans les formes spirituelles il y a autant de ces centres englobant, totalisant un univers, qu'il y a d'individualités spirituelles » . C'est évidemment une perspective herméneutique car il nous faudrait pousser plus loin la pluralité de niveaux d'univers que l'on pouvait concevoir au moyen âge car cela correspondrait à replacer dans le contexte académique le Traité De Perspectiva des lois de l'optique... sujet brûlant s'il en est !Le corps astral n'est pourtant pas inconnu des exégètes du moyen âge, ce qui signifie que l'Esprit -bien que transcendant à toute forme- ait pu avoir un "espace". Prenons l'exemple du grand romancier grec contemporain Kazantzakis qui écrit avoir vu dans un monastère une icône byzantine ou saint Georges et les siens étaient lancés dans un combat brutal, muscles saillants, sueur, détermination... une lutte sans merci étaient peinte mais au-dessus de ce saint Georges planait un autre saint Georges, le même : lance, cheval, etc...lancé contre le même monstre mais les corps se superposaient, tout devenait dématérialisé, à travers les muscles bandés l'on apercevait la plaine, les montagnes, les cours d'eau. Le peintre anonyme exprimait ici son sentiment d'un espace, d'un monde suprasensible dominant le nôtre. Et c'est bien dans ce contexte du sens qui se superpose que nous approchons de l'essence même de l'Esprit. La quête du chercheur irano-islamique le conduit immanquablement à la hiérophanie primordiale du « Temple à venir ». Les penseurs chiites rejoignent Ezékiel dans la perception visionnaire qu'il transmit aux Esséniens de Qumran dont la communauté tendait à façonner la théologie du Nouveau Temple intérieur. Les Templiers ne s'y sont pas trompés. Ce sont les sages de l'entourage de Saladin qui leur montrèrent que les traces historiques trouvées sous le Mont du Temple recelaient un sens caché et que l'on appelle « légendes » . C'est bien ce que l'on a pris la coutume d'appeler ce «Texte des textes », aujourd'hui gardé à Cambridge que la filiation spirituelle gnostique entre irano-chiite et les Templiers de Kilwining s'est établie.Islam et chrétienté sont unis par un profond accord qui conditionne l'acceptation du «Nouveau Temple intérieur». Les théosophes mystiques se sont expliqués profondément sur ce concept. Le lien s'est établi avec les Templiers et plus généralement avec les Croisés mais la forme théologique que l'on retient aujourd'hui s'est façonnée avec les Bogomiles qui tenaient des Pauliciens et des Messaliens, avant eux, cette expérience spirituelle fondamentale « dont le secret nous échappe de prime à bord, à nous, Occidentaux, parce que ce monde est devenu pour nous depuis quelques siècles un continent perdu ». De fait, depuis l'éradication des Bogomiles puis des Cathares, puis des Templiers, le sens caché s'est « endormi » dans les couloirs du temps.Les théosophes visionnaires et gardien des traditions ont malgré tout perdurés au cours des siècles. Ainsi nous sont parvenus les travaux de Hadji Bektach Veli, de Qazi Said Qômmi qui évoque le mieux le Malakû « l'Esprit intérieur », mais aussi nous sont transmis les pratiquent spirituelles des Alévis puis des Bektachis qui aujourd'hui nous renseignent sur cette Potestas Clavium garante de l'objectivité et de la supériorité du monde invisible qu'elle configure. Grace aux travaux de Weigel ou de Swedenborg nous comprenons mieux l'attache, sinon l'attrait, que nous conduit vers la spiritualité orientale. Le catharisme n'y échappe pas, Dostoïevski parlait de « L'Eglise Secrète » des âmes : « L'Ecclesia spiritualis »
Gilles Henri TARDY

René Nelli
René Nelli, né le 20 février 1906 et mort le 11 mars 1982 à Carcassonne est un poète occitan, philosophe et historien du catharisme. Il fut le spécialiste du Moyen Âge occitan, de sa métaphysique, de sa poétique et de l'amour courtois.
« Trouverions-nous la vérité, elle nous détruirait. » Cette phrase énigmatique de René Nelli ouvre son « Journal spirituel d'un cathare d'aujourd'hui. » Lui qui était d'une insatiable curiosité intellectuelle et d'une prodigieuse érudition a traqué la vérité dans de multiples domaines de la pensée. Occitan d'ascendance florentine, philosophe, poète, historien, essayiste, il a consacré la majeure partie de son œuvre à l'étude et au rayonnement de la culture occitane. Il se disait « hanté » par la question du mal, du double, du destin, et ce n'était pas une vaine image chez cet homme passionné d'ésotérisme, toujours en recherche spirituelle. Le dualisme cathare lui est apparu comme une des constructions métaphysiques les plus originales de l'Occident. C'est au contact de Déodat Roché qu'il s'initia au catharisme.
Il a fondé en 1981 le Centre d'études cathares : https://cecnelli.unblog.fr/rene-nelli/

Déodat Roché et la gnose cathare
extraits de « Les Cathares, brève histoire d'un mythe vivant », par Henri Gougaud, éd. Points
Ce qui nous reste du catharisme après sept siècles de vagabondages ne s'est pas tout entier perdu, Dieu merci, dans ces marécages nocturnes [ceux de la récupération nazie d'Otto Rahn]. Avant que les historiens de notre temps ne mettent en chantier les indispensables travaux de précision des faits et de clarification des idées, Déodat Roché, dès les débuts de ce siècle [le XX°], replace les Parfaits dans leur vieille lumière.
(...)
Il me paraît (...) peu risqué de dire qu'il fut un gnostique assidu. Au moins en cela, il s'inscrit dans la descendance des Bonshommes. Alors qu'il est encore étudiant à Toulouse, il écrit à son père l'enthousiasme qu'il éprouve à découvrir en lui-même l'empreinte de l'infatigable lignée de chercheurs spirituels dont il se sent le fils. « Je ne cesse, dit-il, d'admirer la formule gnostique de l'ésotérisme. D'un côté l'absolu ineffable et l'union mystique, de l'autre le culte de l'Esprit pur opposé à la matière. Cette dernière voie, rationaliste, doit conduire à la première. Tout semble sortir du chaos matériel pour conduire à l'Esprit pur, mais comme esprit et matière ne font qu'un dans l'absolu, tout vient de l'absolu pour y revenir » (Déodat Roché, L'Eglise romaine et les cathares albigeois, éd. des Cahiers d'études cathares, 1969). Dès ces temps adolescents une passion le tient, constamment exigeante et sans doute plus profondément ancrée que les spéculations arides qui occupent son esprit. « La conscience, écrit-il encore, la voix du cœur qui nous dit d'aimer, de secourir, qui nous fait sentir réellement l'unité des choses et des êtres dans un même sentiment d'amour, qui nous pousse à réaliser un idéal gravé au plus profond de notre être, peut seule vraiment conduire à l'intuition de l'Unité, à l'intuition de Dieu qui est en nous comme en toute chose ». Tel est l'homme qui, dès 1930, s'applique à revivifier l'âme des Parfaits dont il se considère assurément comme l'héritier puisqu'ils « agissaient par amour en instruisant et aidant les autres hommes à trouver la voie du salut ».
Il les sert, les écoute, s'attache à réveiller leur pensée, leurs paroles, en chercheur de sagesse érudit et sensible. Il leur demande aussi des réponse aux questions des hommes de son temps. Il découvre Steiner et l'anthroposophie, explore cette « science spirituelle » qui, selon son créateur, peut seule ouvrir la porte aux réalités hautes et peu à peu user le mal et le péché. Roché greffe ces idées nouvelles sur l'arbre des Bonshommes. Veut-il remettre au monde un catharisme neuf, à nouveau nourrissant ? Le fait est qu'il n'entraîne guère de disciples à sa suite, et c'est peut-être un bien. Le cœur qui veut aimer ne parle qu'à voix basse, il ne peut s'adresser aux foules. Cet homme, j'en témoigne, a servi l'idéal de son âme, sans autre souci que de cheminer vers son intime vérité et de semer l'amoureuse exigence des purs dans l'esprit de ceux qui l'approchaient. Il ne m'a pas appris la doctrine cathare, il m'a rendu perméable à la voix de ces gens qui de tout temps ont tenté de dire l'indicible, d'approcher l'inaccessible et de connaître l'inconnaissable. Folie, sans doute, que de succomber à ces sortes de tentations. Mais elles ont eu au moins la force de me tenir proche de ces ancêtres qui me furent donnés, et qui, malgré la crainte que leur foi trop rigoureuse m'a toujours inspirée, ont sans cesse aimanté mon cœur lorsque mes dérives m'éloignaient d'eux.

J'ignore si Déodat Roché a réellement désiré voir resurgir une quelconque religion cathare. J'en doute. Mais il pensait assurément que la soif gnostique avait trop longtemps occupé le meilleur de notre humanité pour ne point perdurer en notre temps. Il ne pouvait concevoir que s'éteigne ce désir incessant de délivrer la conscience, la « voix du cœur », de la gangue pesante où elle s'est toujours sentie prisonnière. Il estimait même que l'essoufflement des religions officielles et l'élan de l'esprit scientifique lui offraient une chance nouvelle de revenir vigoureusement au monde. Il faut, disait-il, défricher la vieille voie, la poursuivre et ne point s'enfermer dans la fascination du passé. Ce qui fut ne peut exactement renaître, la vie n'est que mouvance, échange, création. L'antique maison de Manès ne fut pas celle des cathares. Ils ont bâti d'autres murailles, ouvert des portes et des fenêtres à des paysages nouveaux. De même en notre temps la demeure gnostique ne peut être semblable à celle des Parfaits. Des siècles ont passé, nous avons cheminé, nous avons découvert des terres inconnues, remué des idées autrefois impensables, nous avons même appris que Dieu était mortel. Et si nous tient toujours cette vieille passion de nous hisser plus haut que nos peaux éphémères, nous pouvons certes reconnaître la trace de nos pères dans les garrigues médiévales, nous émouvoir de notre affectueuse parenté, faire notre profit de leurs vieilles paroles, mais nous ne pouvons plus méditer dans les mêmes cabanes, à la lueur des mêmes bougies. Si le catharisme doit renaître, en vérité, il ne saurait user des mêmes mots, affronter les mêmes démons, porter aux nues la même foi, redire enfin la même histoire.
Déodat est mort centenaire, avant le printemps de la gnose. Viendra-t-il un jour ? Sans doute a-t-il remis, l'heure venue, son espérance à Dieu, comme il se doit quand on n'a jamais eu d'autre souci que d'accomplir jour après jour ce qui devait l'être. Le sage, dit le proverbe, n'est pas homme à se retourner pour voir si ses semailles germent. Il fut ce sage-là pour l'enfant que je fus. Et je me réfugie parfois auprès de lui pour comprendre, dans le silence infiniment tendre que m'offre toujours sa présence, le chemin parcouru par ce mot rare et sans prestige qu'il prononçait, de temps en temps, et qui sonnait à peine entre ses lèvres, et qui m'emportait dans des songes terrifiants et magnifiques. Cathares. Se sont affirmés tels, étourdiment, quelques militants occitanistes qui ne voulaient pas être français. Se prétendent aujourd'hui cathares et fiers de l'être des villes, des musées, des restaurants, des vins, des fromages, des routes, des joueurs de rugby, des cassoulets, des ruines, des marchands de tourisme et des associations de joueurs de pétanque, des hommes politiques et des sectes bizarres. Il n'est pas un détour de village occitan où ce pauvre mot n'apparaisse exhibé, vendu, prostitué. On peut s'en indigner, méditer sombrement sur l'écrasante vulgarité de ce monde qui voue au désespoir les plus innocentes aspirations de l'esprit. Mais à quoi bon perdre son temps en vaines récriminations ?
La gnose (nommons ainsi ce savoir essentiel et presque inexprimable qui nous semble venu de plus haut que nous-mêmes) a toujours, au cours des siècles, trouvé sa voie pour nous atteindre. Chacun, un jour ou l'autre, a reçu la visite de quelque chose (ou de quelqu'un ?) que l'on ne saurait définir. Cela vient à nous comme un sentiment, un parfum, un effleurement qui dilate le cœur, qui veut être exprimé, mais qu'on ne peut traduire exactement en mots. Il le faut pourtant. Un désir, un élan, au fond de nous, l'exige. On parle donc, malaisément, on se perd en explications, et la légèreté se fait soudain pesante, le miracle s'éteint, s'abîme, se défait, l'ange tombe et s'incarne en images infidèles, en à-peu-près sans grâce, en paroles trop crues. Une venue au monde est toujours une chute. Or, le dedans de nous est comme le dehors. « Comprends que tu as en toi des troupeaux de bœufs, dit Origène. Comprend que tu as aussi des troupeaux de brebis et des troupeaux de chèvres. Comprends qu'il y a même en toi les oiseaux du ciel. Ne t'étonne pas si nous disons que cela est en toi. Comprends que tu es un autre monde en petit, et qu'en toi il y a le soleil, il y a la lune, il y a les étoiles. Vois que tu as tout ce qu'a le monde ». Si l'on pressent cela, il apparaît probable qu'au cours de son histoire, l'humanité a constamment éprouvé ces chutes, ces défaites de l'Esprit que chacun peut à tout instant ressentir dans l'intimité de son être.
La connaissance, aussitôt incarnée, tend à se dégrader dans les mains inexpertes des hommes. Le désir de lumière se défait en morale, l'intuition de cohérences subtiles se change en dogmes, en lois, en organisations, le pressentiment d'une vérité se dévoie en affirmations péremptoires, la foi enfin s'abîme en fanatisme. « Je vous adjure de laisser tout libre », s'écria un jour Walt Whitman dans un poème prophétique. Mais comment nos cœurs prisonniers pourraient laisser les anges à leur liberté ? On s'agrippe à leurs ailes, on les blesse, on les enferme dans des obscurités confuses. Au mieux on se fait gloire des quelques grains d'esprit qu'on a pu leur voler, au pire on les trahit, on les vend au marché, on les torture en raillant leurs souffrances, on fait d'eux des enfants esclaves. Ils n'ignorent pas ce qui les attend quand ils viennent effleurer nos têtes. Pourtant ils reviennent, sans jamais se lasser, peut-être parce qu'ils savent que nous ne sommes en rien coupables de ces tourments que nous leur infligeons. Nous sommes dans un monde où tout est lourd, épais, et nos esprits, nos corps, nos actes, nos pensées ne peuvent qu'obéir aux lois de notre terre. Nous ne nous conduisons en rien comme il le faudrait, dit le Rituel cathare. « Tandis que nous sommes dans la sainte oraison, notre sens se détourne vers les désirs charnels, vers les soucis mondains, si bien qu'à cette heure à peine nous savons ce que nous offrons au père des justes ». Ce n'est pas vaine flagellation que de s'avouer ainsi pécheur devant l'Esprit, mais simple et humble constat. L'égarement est la fatale conséquence de notre incarnation. Et cette vérité s'impose, il faut le dire encore, tant au-dedans de nous que dehors, dans le monde. L'Inquisition, ses bûchers, le martyre des Purs étaient inévitables. Mais après tout (comme il advient parfois de nos épreuves intimes), peut-être ne furent-ils que les outils nécessaires à l'éclosion d'une nouvelle conscience. On a peut-être tort de chercher des causes exclusivement historiques à l'écrasement du catharisme. On ne fait ainsi que s'enfermer dans des rancœurs stériles, et raviver sans cesse une blessure ouverte. Que sait-on, en vérité, de cette force indomptable que l'on appelle Dieu, faute de savoir autrement dire, et qui nous traverse sans cesse, et qui va sans fin, imperturbable, depuis le fond des temps ?
« Je suis la voix du réveil dans la nuit éternelle », dit un hymne gnostique. Nous sommes ici-bas plus proches du sommeil des cailloux que de la lumière des anges, mais nous avons dans l'âme un aiguillon constant qui nous pousse à savoir, à connaître, à comprendre, à sortir peu à peu de l'engourdissement. Le chemin est si long que l'on ne peut raisonnablement espérer sa fin. Je crois que nous sommes semblables au grain pourrissant dans la terre. Notre folie est belle, exaltante et terrible. Elle est celle du germe à peine né qui n'a jamais vu le soleil et qui pourtant s'efforce vers lui à travers des épaisseurs de ténèbres apparemment infranchissables.
Les cathares furent une étape de ce périlleux voyage. Nous sommes, aujourd'hui, un peu plus haut. Nous sommes ce qu'ils furent, un instant de croissance. Cette voix qui s'obstine à murmurer en nous que l'on s'efforce en vain, qu'il n'y a pas de soleil, qui ne l'a jamais entendue ? C'est notre pesanteur qui parle, notre goût de l'oubli, du repos, du néant, notre diable. Peut-être a-t-il raison. On peut le suivre, certes, et vivre sans souci. On peut choisir la voie inverse et souffrir mille morts, comme le germe fou de la graine pourrie, par amour d'un printemps de l'âme que tout dit improbable. Qui jugera ? A vue d'homme, personne. Les cathares comme leurs diables ont l'éternité devant eux.
Henri Gougaud
UN CATHARE AU XXEME SIECLE
DEODAT ROCHE (1877-1978)
Jose Dupre
En 1891, âgé de quatorze ans, Déodat Roché retrouve le Souvenir cathare en découvrant le martyre de son village ravagé, dès 1210, par la Croisade catholique contre les Albigeois. Eduqué avec sollicitude par un père libre penseur spiritualiste, qui fut le grand amour de sa vie, le jeune homme traversera les mouvements ésotériques des deux siècles écoulés.
Des "Amitiés spirituelles" de Sédir, il passera sous la robe épiscopale de l'Eglise gnostique, puis dans la franc-maçonnerie, avant d'aborder l'Anthroposophie de Rudolf Steiner et de fonder les "Etudes Cathares" en 1948. A la fin de sa longue vie, discrètement saturé de doctrines et de rites, il préfèrera clôturer ses dernières années par la solitude érémitique du Col du Paradis. Il y retrouvera l'ascèse méditative des premiers moines d'Egypte, soutenue par les écrits d'Origène et d'Evagre qui seront ses derniers compagnons intimes, comme ils furent les précurseurs des Cathares.
Pour l'auteur, Déodat Roché fut l'un des deux aînés importants, rencontrés en cette vie, dans une proximité affectueuse et raisonnable. En mémoire de lui, ce travail s'est accompli peu à peu, au fil de quarante années, exigeant, près du terme, la mise au monde préalable d'un ouvrage consacré au dualisme cathare. Ces pages proviennent donc d'une métamorphose dans le temps, mais aussi dans une fidélité en quête de sa réalité essentielle. Nées de la tendresse de l'homme jeune pour son vieil ami, elles deviennent le témoignage d'un regard qui refuse illusions et impostures pour en avoir trop vues, et qui retrouve, dans les racines de la spiritualité cathare, la double clé de cet univers terrible et merveilleux dont nous émergeons pour l'accomplir.

Antonin Gadal (1877-1962)
Le triomphe de la gnose universelle.
Antonin Gadal fut un historien qui réhabilita la dimension spirituelle et initiatique du catharisme. Le lecteur intéressé retrouvera l'essence de son approche originale dans "Le Triomphe de la Gnose universelle", publié en 2006.
Dans ce site, nous nous sommes efforcés de garder le style propre à Antonin Gadal, ce style si particulier, fait d'intuitions et d'images jaillissantes.
Nous l'avons fait parler le plus possible dans l'espoir que son évocation du Catharisme - ce "Christianisme des mystères" - saura susciter le profond intérêt qu'il mérite et réveiller la "quête" comme il l'a fait pour nous.
Gadal écrivit ceci dans une courte brochure sur l'initiation :
"La clarté spirituelle n'a jamais été formulée en doctrine. Elle n'est consignée en aucun livre. Elle ne se communique point comme la flamme d'un flambeau. Notre esprit n'est pas une lampe que l'on allume artificiellement, mais c'est un foyer qui, de lui-même, doit vaincre l'obscurité, afin que, cessant de couver sous les cendres, il puisse librement flamber et rayonner. Enseigner à conquérir la Lumière, tel est l'objet de l'initiation proprement dite"

C.O.R.D.A.
"Catharzy Ordo Receptio Dualis Absolutae "